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Blockchain et commerce automobile : l’union fait la preuve

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La technologie blockchain reste associée pour beaucoup aux crypto-monnaies et à des transactions opaques du « Dark Web ». Pourtant, quand on lui enlève ce voile cyber-punk, la technologie a bien des avantages pour sécuriser et graver dans le marbre des informations de toute sorte sur un véhicule. Avec des applications cruciales de la chaîne d’assemblage aux garages…

Premier site de petites annonces VO de Singapour avec 2 millions de visiteurs mensuels, sgCarMart annonçait début juillet 2019 le lancement de  Know-Your-Vehicle. Développée avec le concours de la start-up Ocean Protocol, cette data marketplace promet aux internautes une information complète sur les véhicules présentés, grâce à une sécurisation totale basée sur la technologie blockchain. L’utilisateur est censé connaître tout le pedigree d’un véhicule jusqu’au numéro de VIN, mais il aura connaissance de toutes les interventions réalisées sur le véhicule, à la vidange près…

Avant d’aller plus loin, essayons de définir la technologie blockchain. Pour Nicolas Kozakiewicz, directeur de la Recherche et de l’Innovation de Worldline, cela consiste en un « système d’enregistrement notarié automatique ». Ou, comme l’exprime Manuel Chaufrein, fondateur et directeur général de AVAIRX, une sorte de « grand livre comptable digitalisé, qui enregistre pour toujours et de façon inaltérable tous les événements et mouvements d’une chaîne de valeur », sur laquelle des tierces parties auront un droit de regard. Attention à ne pas commettre une erreur répandue! Il n’y a pas une seule et unique blockchain. Plusieurs solutions du marché procèdent de cette technologie, d’où la notion de méthodologie.

Premier cas d’usage : la lutte contre la fraude kilométrique

Un consensus s’appuie sur les données de la FIA, de CarPass en Belgique et de l’UTAC, au sujet des manipulations sur les compteurs odométriques. En Europe occidentale, entre 15 et 20 % des véhicules en circulation auraient des kilométrages modifiés. Ce chiffre dépasserait allègrement les 50 % dans certains pays d’Europe de l’Est. Fort de ce constat, Bruno Nédélec a créé en 2017 Certificare. Sa société édite des rapports de traçabilité pour les professionnels du marché VO, authentifiant et sécurisant les données grâce à la technologie blockchain.

Si la collecte des informations se fait automatiquement en se connectant aux DMS* des partenaires (dont les groupes Bodemer Auto, LS Group, l’alliance Lamirault-Schumacher et Profil+), Pour se prémunir de toute erreur de saisie, Bruno Nédélec me précise que des algorithmes ont été codés pour distinguer de vraies fraudes d’éventuelles erreurs humaines.

Notons l’existence de CarVertical, qui propose sensiblement le même service, étendu aux particuliers. D’origine lituanienne, cette société est présente dans une dizaine de pays d’Europe de l’Est, mais aussi en Belgique. Pour une vingtaine d’euros, vous saurez si un VO est listé dans les bases de données des véhicules volés, son historique de kilométrage et même quand doit avoir lieu le prochain entretien.

* : Dealer Management Software

Le carnet d’entretien numérique et sécurisé

« Le kilométrage, c’est l’arbre qui cache la forêt », m’explique Nicolas Kozakiewicz. Il était naturel que Worldline, leader mondial de la transaction digitalisée, se penche sur le cas du véhicule d’occasion. « D’autant plus qu’avec la théorie du lemon market, le peu de confiance qui persiste entre un acheteur et un vendeur dessert la valeur marché d’un véhicule », ajoute-t-il. C’est pourquoi Worldline a présenté au Mobile World Congress 2017 son Car Maintenance Book.

Au-delà du seul kilométrage, la solution de carnet numérique d’entretien donne une « vision honnête et sûre de l’utilisation et de la valeur d’un véhicule », en ajoutant les informations liées à l’entretien et éventuelles réparations, le tout étant sécurisé dans une blockchain. « Le Car Maintenance Book permet de faire fi du doute sur un VO, grâce à la sanctuarisation des informations qui le concernent », estime Nicolas Kozakiewicz. Amélioré trois fois depuis son introduction, ce projet pilote a évolué vers un suivi plus complet et large du véhicule  que seulement les informations post-acquisition. Les discussions avec les marques automobiles iraient bon train.

D’ailleurs, Groupe PSA s’était dès 2017 associé à COVEA et La Poste dans le cadre d’un programme blockchain de l’Institut de Recherche Technique SystemX pour un Proof of Concept de…carnet numérique d’entretien.

Autres usages de la technologie blockchain

Selon Manuel Chaufrein, l’explosion des nouvelles mobilités entraîne un vaste champ d’applications utilisant au moins une blockchain : covoiturage, location entre particuliers, assurances… Son cabinet porte d’ailleurs le projet Magellan, incubé chez Station F, pour accompagner les acteurs industriels. Les débouchés commerciaux seraient bien supérieurs à l’actuel marché des carburants d’origine fossile.

J’ai demandé à Bruno Nédélec si Certificare avait vocation à sécuriser d’autres types d’informations que le kilométrage. La professionnalisation et la digitalisation du marché de l’occasion poussent effectivement ses partenaires à réfléchir à d’autres usages de la technologie blockchain, qu’il décrit de vive voix dans le podcast que vous pouvez écouter d’un simple clic.

Sans doute vous souvenez-vous également du lancement en mai 2018 de MOBI… La Mobility Open Blockchain Initiative réunit en effet des mastodontes de l’industrie automobile. Il aura fallu attendre le 18 juillet dernier pour voir le premier résultat de cette association. Sous la férule de Groupe Renault et de Ford, MOBI a présenté le premier VID, équivalent digital du VIN, supposé inviolable grâce à la technologie blockchain. « La création d’un ‘jumeau numérique blockchainisé’ permettra aux véhicules connectés de s’identifier, partager leurs données et d’échanger avec les autres véhicules, les infrastructures et leur environnement en toute sécurité », a déclaré Sébastien Hénot, qui menait le groupe de travail VID chez MOBI et est Business Innovation Manager au Silicon Valley Innovation Lab de Renault.

De son côté, Daimler s’est associé avec la start-up Riddle&Code pour développer un « portefeuille numérique en dur » (hardware wallet). Selon Harry Behrens, le ‘Monsieur blockchain’ de Daimler Mobility, cette technologie ouvre des perspectives qui se chiffreront en milliards dans des marchés encore insoupçonnés.

Encore des limites

Les deux derniers exemples d’utilisation de la technologie blockchain sont la preuve qu’il existe un risque de création de nouveaux silos, alors que l’esprit même de la blockchain est le contraire. Tous mes interlocuteurs ont également désigné comme principale difficulté la détermination d’une gouvernance efficace, comprenez un pool d’acteurs impliqués et qui ont parfaitement défini leurs intérêts et besoins communs.

Manuel Chaufrein pointe pour sa part la lenteur de la technologie, qui procède de serveurs éparpillés sur le globe et dont les temps de réponse atteignent parfois la dizaine de minutes. Mais répond Bruno Nédélec, il suffit de choisir les données pertinentes soumises à certification. « Avec la bonne technologie et un paramétrage fin, les temps de réponse sont cohérents », insiste-t-il.

« Cette technologie fait encore peur, car elle est toujours associée aux crypto-monnaies comme le bitcoin », ajoute pour sa part M. Chaufrein. Lequel estime également que le degré d’équipement numérique (tant pour la connexion au réseau qu’en terminaux digitaux) laisse encore à désirer dans nombre de garages.

Nicolas Kozakiewicz se démarque par son optimisme. Il prend pour exemple le produit Origin, lancé en mars 2018 par Bureau Veritas en collaboration avec Worldline. « En flashant le QR Code de n’importe quel produit dans un supermarché, vous en connaissez toute la chaîne de production, jusqu’aux conditions de production des oranges pour un jus bio », m’explique M. Kozakiewicz. « Si vous savez tracer comme nous le faisons de la nourriture périssable, vous pouvez tracer une automobile jusqu’au moindre de ses composants ; Origin est la version ‘alpha’ de ce dont auront besoin les constructeurs au niveau de la complexité. »

Ne pas rater le train de la blockchain

Parmi les acteurs français du service « historique de VO », Autorigin a su créer le buzz. Fabien Cohen-Solal, son fondateur et dirigeant m’explique que sa solution permet en trois clics de connaître l’historique « exhaustif » d’un VO, juste avec sa plaque d’immatriculation. Point de technologie blockchain, mais les données AAA DATA qui auraient permis selon M. Cohen-Solal de répondre à 3 millions de demandes depuis le lancement en 2017, avec une « fiabilité avérée ».

Pour autant, il reconnaît que la technologie blockchain est un sujet de discussion, en témoigne sa récente participation à un groupe de travail organisé par Cap Gemini, avec notamment Axa, IBM, Bureau Veritas et Groupe PSA. Quant à intégrer la technologie blockchain dans Autorigin, son fondateur n’écarte pas du tout cette perspective et donne même un calendrier dans le podcast audio à écouter d’un simple clic.

Le 25 juillet 2019, les ministères de Bercy organisaient la première « Task Force » dédiée à la technologie blockchain pour l’économie française. Un modèle pour mettre autour d’une même table CNPA, FNA, FIEV, CCFA et CSIAM, afin de créer une blockchain du commerce automobile ?

Ali Hammami

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