E-réputation : le client est roi, sa parole est d’or

Avec les réseaux sociaux et Internet, tout le monde donne son avis sur tout. A tel point que certaines marques ont été déstabilisées par les bad buzz. De là est née une nouvelle discipline dans le marketing digital, l’e-réputation. Trois sociétés adressent (plus ou moins) cette problématique pour les professionnels de la distribution automobile.

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Le salon Stratégie Clients se tenait début avril à Paris au parc des expositions de la Porte de Versailles. Ce rendez-vous des professionnels de la relation client devait m’apporter des éclairages sur l’état de l’art en matière d’e-réputation. A ma grande surprise, certains exposants n’avaient jamais entendu l’expression. Au mieux, c’est pour l’un l’image publique d’une entreprise sur les réseaux sociaux, étendue peut-être au domaine individuel. Cela évoquait justement à un sympathique designer de services – ça existe ? –les résultats sur Google quand on tape son propre nom et que des images peu flatteuses ressortent du fin fond de Flickr… Heureusement, un directeur commercial touche du doigt mon sujet : « l’e-réputation concerne tous les échanges que les clients vont avoir par rapport à une marque sur la Toile. » On y est presque.

Les avis clients sont portés par une hype sans précédent et commencent à monopoliser les méninges des responsables marketing de tous les secteurs. Même le monde médical est noté par les patients, nous apprend Le Parisien/Aujourd’hui en France, qui y consacrait une pleine page dans son édition du 15 avril 2019. Le quotidien réserve également un encadré à « la chasse aux faux avis ». La DGCCRF avait alerté en 2017 : 35 % des professionnels et sociétés publiant des avis étaient alors en infraction avec la réglementation. Le porte-parole du service français de la répression des fraudes explique que des plateformes biaisent les résultats en tardant à publier les mauvais avis. Oui, mais il s’agit là d’avis spontanés, hors-sujet quant à l’e-réputation, telle qu’elle est appréhendée par les spécialistes de la question dans la distribution automobile.

GarageScore le pionnier, Fidcar le dauphin

GarageScore a été lancé dès 2015 par d’anciens responsables du digital de grandes enseignes de l’e-commerce et est clairement la toute première société en France à proposer aux professionnels de la distribution automobile une solution de suivi de la satisfaction client et de diffusion sur Internet des avis clients. L’entreprise a comptabilisé plus de 2,5 millions d’avis clients traités en trois ans et 1,1 million d’avis récoltés. Mais Olivier Guillemot, cofondateur et président, m’affirme que le développement et le succès de l’outil GarageScore ne sont pas dus à l’e-réputation.

Sueurs froides. Me serais-je trompé d’interlocuteur ? Je lui demande alors si l’e-réputation faisait bien partie des questions traitées par GarageScore… « Oui, mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg : l’e-réputation n’est qu’une conséquence et l’avis client un prétexte pour savoir ce qui se passe dans un établissement, en termes de performance des collaborateurs, d’amélioration des process et de la fidélisation des clients sensibles. » Ok.

Le premier concurrent autoproclamé de GarageScore fut Fidcar. La start-up a été créée début 2017 par Fabrice Caltigirone et Thibault Henry, tous deux rompus aux problématiques digitales dans la distribution automobile. Leurs expériences passées, notamment chez Groupe Argus et des constructeurs, n’y sont pas étrangères. Aujourd’hui, un pro de l’auto peut se retrouver avec une dizaine de sources différentes d’avis client et cela va sûrement augmenter, m’explique Fabrice Caltigirone. Il me présente Fidcar comme une solution adéquate pour traiter cet afflux d’avis et donc de « travailler l’e-réputation ».

Le processus de traitement des avis clients dits « sensibles » ou « mécontents » est, en apparence, identique pour les deux solutions. Elles s’interfacent au DMS du professionnel et envoient après une facturation un questionnaire au client final. C’est ainsi que le problème du faux avis est réglé, puisqu’un client effectivement facturé est adressé. Un peu plus du tiers des clients sondés répondent à ce questionnaire et très généralement, leurs avis sont positifs.

S’il y a mécontentement, le service concerné est automatiquement alerté. Le responsable VO ou le chef d’atelier après-vente reçoivent aussi le verbatim(1) du client insatisfait. Quelques temps plus tard, le client final est de nouveau interrogé par SMS ou courrier électronique pour déterminer si le professionnel a résolu le litige. Dans l’affirmative, le client mécontent est considéré « sauvé » et son avis final est diffusé sur les plateformes GarageScore et Fidcar, mais aussi sur les carrefours d’audience des automobilistes que sont entre autres Pages Jaunes, ZoomCar, La Centrale (GarageScore en est le partenaire exclusif), et bien sûr Google dans la section « avis des internautes ».

«  Si tu ne gères pas tes mécontents, tu ne feras pas les prochaines ventes »

L’importance du traitement des mécontents est expliquée sensiblement de la même manière chez GarageScore et Fidcar. Si tu ne gères pas ton lead, tu ne feras pas ta vente ; si tu ne gères pas tes mécontents, tu ne feras pas les prochaines, devise Olivier Guillemot. L’avis client dans une enquête de satisfaction constructeur est considéré comme la fin du cycle de vente, alors que pour nous, l’e-réputation marque le début d’une relation très forte avec le client, estime pour sa part Fabrice Caltigirone.

Tant GarageScore que Fidcar amélioreront les notes moyennes de leurs clients professionnels en « noyant » les avis négatifs spontanés et/ou « non sauvés » par le nombre considérable d’avis sauvés grâce à eux. Les avis recueillis en bout de traitement sont diffusés en l’état, gage de transparence totale et de crédibilité pour le professionnel.

Un iceberg, deux positionnements

Mais où est donc la différence entre GarageScore et Fidcar ? Olivier Guillemot m’explique que sa solution est un « repère d’authenticité » et un outil de connaissance client et de de connaissance de ses collaborateurs. Un outil RH ? Oui, car là est la partie immergée de l’iceberg. GarageScore donne aux managers des différentes activités du commerce automobile la possibilité de piloter en temps réel la performance de leurs collaborateurs. Les bons comme les mauvais, les grandes gueules comme les plus discrets. De plus, GarageScore accompagne les professionnels avec une équipe dédiée pour justement améliorer ce qui ne va pas, et conseiller le management sur les actions à entreprendre pour remettre les « défaillants » sur la voie de la performance. La notoriété de GarageScore acquise depuis trois ans, l’efficience de l’outil de traitement des mécontents (deux sur trois sont « sauvés » en moins de 5 jours) couplé au, expliqueraient, selon Olivier Guillemot, l’augmentation de 50 % de conversion des leads réalisée l’an passé. Nous y sommes, GarageScore est en fait un générateur de leads !

« Des distributeurs ont réduit leur budget AdWords sans perdre en notoriété »

Ce n’est pas notre cœur de métier, nos leads ne sont pas des leads d’acquisition mais des leads de fidélisation, me dit Fabrice Caltigirone. Il définit plutôt Fidcar comme un outil pour travailler la « recommandation client ». A la question de la mesure du ROI de sa solution, c’est la visibilité améliorée sur Internet qui est la plus évidente, le référencement sur Google s’apprécierait de 10 à 15 %. Certains distributeurs ont réduit leur budget AdWords sans perdre en notoriété, abonde-t-il. Sur la question du pilotage des équipes et de la gestion RH, il est beaucoup plus évasif. C’est un sujet depuis quelques mois, se limite-t-il à commenter. Ce qui ne l’empêche pas de déjà réfléchir au coup d’après. « Que ferons-nous quand tout le monde aura une note de 10/10 ? » Sans me donner de réponse, il concède que la récupération de données toujours plus nombreuses, leur analyse et leur compréhension sont les enjeux de demain, sur lesquels Fidcar travaillerait.

Guest Suite, le trublion chouchou de Google

Un troisième acteur vient d’arriver sur le marché de l’e-réputation pour la distribution automobile, Guest Suite. Cette société a été créée en 2014, focalisée alors sur le tourisme (hôtellerie et restauration). A l’époque, TripAdvisor et Booking.com faisaient littéralement la pluie et le beau temps du secteur. Grâce à des tablettes numériques installées par Guest Suite, les hôteliers et restaurateurs pouvaient récupérer les avis de leurs clients, qui sont ensuite diffusés sur les plateformes d’avis partenaires, à commencer par…TripAdvisor et Booking.com. Fort de son succès, Guest Suite a développé de nouvelles briques technologiques (dont l’analyse sémantique) et des outils d’accompagnement des professionnels (tiens, tiens…). Cela a permis à la société de se développer aussi bien en croissance externe (rachat de leur concurrent en 2015) que par une recapitalisation à l’été 2018. Convaincue que leur technologie est plus liée à l’avis qu’au tourisme lui-même, l’équipe dirigeante a ainsi ajouté à ce secteur trois nouvelles cibles : l’immobilier, l’habitat et l’automobile.

« Mettre en relation des groupes hôteliers et automobile fait beaucoup de sens »

Il a fallu déconstruire notre produit et l’adapter aux groupes de distribution, selon la maturité de chacun, me confie François-Michel Estival, président et cofondateur de Guest Suite. Lequel assume pleinement d’être moins connaisseur des métiers de l’automobile, mais qui dévoile deux bottes secrètes pour pallier ce manque. Dans un premier temps, Guest Suite compte énormément sur le partage d’expérience entre ses grands comptes. Mettre en relation des groupes hôteliers et automobile fait beaucoup de sens, car cela permet au second de se projeter à 5-7 ans, expose M. Estival.

Mais l’arme (peut-être) ultime, est que Guest Suite a un accord de diffusion des avis Google, via Google My Business. En d’autres termes, Guest Suite peut impacter les « avis Google », au-dessus de l’indexation des « avis des internautes » sur les pages du plus important moteur de recherche.

Quand Google s’est intéressé au marché du tourisme pour concurrencer TripAdvisor, le mastodonte américain a identifié Guest Suite et son portefeuille de 4 000 hôtels en France. C’était un truc incroyable et comme cela a très bien fonctionné, ils ont étendu ce partenariat à d’autres marchés dont l’automobile, s’extasie François-Michel Estival. Résultat, en moins d’un semestre de commercialisation, ils ont, entre autres, convaincu la moitié du réseau Distinxion et le groupe Pautric.

Y aura-t-il un TripAdvisor de l’automobile ?

On peut s’interroger sur l’issue de la bataille commerciale engagée entre ces trois acteurs aux parcours très différents. N’en restera-t-il qu’un seul, sur le modèle the winner takes it all ? De l’avis de mes trois interlocuteurs, la réponse est clairement négative. Le produit automobile reste très particulier et demande une expertise métier comme peu d’autres secteurs de la consommation. Mieux, la typologie du marché automobile est faite d’entreprises familiales, historiques, ou résultantes du phénomène de concentration, générant de véritables forteresses face aux GAFA. Les corporations se protègent, affirme le patron de Guest Suite. Le précédent TripAdvisor est dans tous les esprits.

Grâce à l’IA, Viavoo transforme les verbatims en insights

Retournons au salon Stratégie Clients. Toujours en quête d’e-réputation, je m’arrête sur le stand de Viavoo, spécialiste de l’analyse des verbatims(1) de clients s’exprimant sur la Toile. Cette société promet d’améliorer l’expérience client (dîtes CX !), d’optimiser les actions marketing, par l’analyse sémantique de la Voix du Client. J’aime cette idée que les vocalises de la clientèle redéfinissent l’approche marketing. Je demande donc à Sébastien Louvet, directeur des opérations, si la finalité de Viavoo est l’e-réputation. « Non, nous travaillons sur la connaissance client à partir de leurs verbatims. Grâce à l’intelligence artificielle, nous transformons ces données non structurées en données structurées qui sont des insights(2) expérience client/expérience produit. Ces insights permettent ensuite de mettre en place de l’alerting sur des risques d’attrition et de travailler la fidélisation des clients, entre autres. »

Parmi les utilisateurs de la technologie Viavoo, des acteurs du retail (Carrefour, Go Sport), de la banque (BNP Paribas Factor), de l’énergie (Engie). Et Mister Auto. Sans le savoir, aurais-je rencontré un nouveau venu dans l’e-réputation automobile? Pardon, de la connaissance client…

Ali Hammami

A retenir :

  • Il ne faut pas confondre avis spontané et avis certifié
  • La diffusion des avis certifiés conditionne la maîtrise de l’e-réputation
  • Selon la DGCCRF, un tiers des sociétés produisant des avis clients ne sont pas en conformité avec la réglementation
  • À date, GarageScore équipe 1 600 sites, Fidcar 900 et Guest Suite 450
  • TripAdvisor, « modèle mondial de la recommandation client » a recueilli 702 millions d’avis(3)

(1) : ensemble des mots et phrases employés par une population lors d’une enquête ou lorsque les individus s’adressent spontanément à une entreprise (courrier, téléphone, e-mail…).

(2) : perception par le consommateur d’un problème ou d’un dilemme irrésolu sur la catégorie de produits où la marque opère.

(3) : source Le Parisien/Aujourd’hui en France du 15 avril 2019

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