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Cotation VO : le juste prix existe-t-il ?

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Quelques pistes pour ne pas avoir à tirer à pile ou face…

Véritable outil de pilotage commercial, la cotation d’un véhicule d’occasion (VO) reste en 2019 un sujet de discussion. Que l’on fasse confiance à une seule source d’estimation comme souvent dans la distribution automobile, ou qu’on en mixe plusieurs pour en tirer une moyenne, la vérité d’un prix sur un VO paraît aussi obscure que la formule d’un soda mondialement connu… Il n’est pas ici question de comparer ou de juger les solutions existantes, mais de faire un point sur le ressenti de quelques acteurs représentatifs du commerce automobile.

Pour initier cet article, je me suis adressé aux principaux intéressés via le réseau LinkedIn. Les répondants (grâce et remerciements leur soient rendus) sont des responsables des ventes de véhicules d’occasion (RVO) de réseaux de marques, des négociants B2B et des directeurs de concessions automobiles. Leurs situations géographiques couvrent l’ensemble de l’Hexagone. A la question « êtes-vous satisfait de vos outils de cotation/estimation de reprise VO ? », les deux tiers répondent positivement. Le groupe Argus sera ravi de savoir que leur outil Planet VO est plébiscité par certains.

Mais pour un tiers de mes répondants (lire l’encadré page X), il y a au mieux, des perfections à apporter aux outils de cotation, au pire, ils ne servent à rien. Un conseiller commercial VO ironise : « Oui, je suis satisfait puisque l’outil d’estimation de reprise est moi et moi seul. »

Bee2link et autobiz, un point commun…

Dominique Allain et Paolo Valenti portent le même regard sur l’évolution de la cotation VO durant ces 15 dernières années. Pour le premier, directeur du développement des affaires, des relations constructeurs et des partenariats, le passage d’une cote « indicielle,  structurée par l’historique de L’argus » à des valeurs de marché a clairement changé la donne. Si les anciennes cotes basées sur les catalogues VN avaient l’intérêt de pouvoir se jauger face à la concurrence, elles souffraient de ne pas être suffisamment dynamiques et surtout géographiquement floues.

Une vision que complète le second, Head of Sales B2B d’autobiz, par la généralisation des petites annonces VO sur Internet et la capacité informatique à en déduire des valeurs de marchés de plus en plus précises. « On part de ces valeurs de marché parce que c’est le langage commun que nous avons avec le client qui achète un véhicule », explique Dominique Allain.

…et deux approches ?

Pour autant, les deux acteurs majeurs des services digitaux dédiés au commerce automobile présentent leurs outils avec quelques différences subtiles. WebApp4You (WAFY pour les intimes) est la plateforme de Bee2link de pilotage du retail auto. Retenue par la direction commerciale France du groupe Renault, tout juste déployée chez PSA Retail, elle peut être personnalisée à l’extrême. « Nous n’imposons pas un écosystème, nous nous adaptons à celui du distributeur ou du constructeur, une approchepowered by’ », souligne Dominique Allain, qui pour illustrer son propos, précise que les 800 points de vente de Volkswagen Groupe France utilisent 800 algorithmes différents, avec des prix de reprise différents. « En travaillant par exception, les rotations et les marges sont bien meilleures ; un groupe de distribution a vu en seulement deux ans sa marge brute passer de 3,9 à 7,9 % et ses rotations tomber de 62 jours à 44 jours », ajoute-t-il.

Fort de sa présence dans 21 pays d’Europe, Autobiz est plutôt sur une approche analytique, élaborée sur plus de 10 milliards de données recueillies en 15 ans d’existence. Paolo Valenti en présente l’activité par trois volets. Le premier est le monitoring de la performance remarketing des constructeurs en fonction de chaque canal de vente, avec une attention particulière sur les flux transfrontaliers. Le second s’appuie sur les sites de reprise online conçus en marque blanche pour PSA, Renault, Ford, Jaguar-Land Rover et bientôt Kia. « C’est un outil de conquête puissant pour les constructeurs quand on sait que 70 % des clients ont un projet d’achat dans les trois mois », détaille M. Valenti. Enfin, autobizMarket permet aux distributeurs d’appliquer les « bonnes pratiques de gestion », grâce à « un pricing local et dynamique et une optimisation des rotations ».

La LLD, jamais mieux servie que par elle-même

La recommercialisation des VO étant au cœur du modèle économique des loueurs longue durée, il me semblait intéressant d’en interroger pour comprendre comment ils valorisaient leurs véhicules après restitution. Des entretiens que m’ont accordés Marc Laurent et Stan Deveaux, il ressort que la cotation s’appuie essentiellement sur des outils internes.

« Les 500 000 ventes sur le marché français sont une véritable mine d’or pour établir des grilles de dépréciations et mener des études prospectives sur différents sujets, tels que les carrosseries ou les motorisations », affirme Marc Laurent. Le directeur Pricing et Valeurs Techniques d’ALD Automotive France me précise que son service utilise également les informations délivrées par les datas providers que sont Prevar (Groupe Argus) et EurotaxGlass. Les liens très forts entretenus avec les constructeurs permettent également d’anticiper l’évolution des catalogues. En y ajoutant une veille sur les réglementations et la législation, Marc Laurent et ses collaborateurs disposent d’une chaîne de validation qui « détermine un positionnement de valeur résiduelle en fonction du risque souhaité selon chaque véhicule ».

Chez LeasePlan aussi la cotation des VO est en majeure partie le fruit d’un outil maison. Directeur Remarketing LeasePlan France, Stan Deveaux évoque Carnext.com, la plateforme dédiée aux VO créée il y a deux ans et l’outil qui l’accompagne,  ACT. « Asset Control Tower est un outil paneuropéen, puisqu’il regroupe toutes les données de 22 pays, autant sur les canaux B2C que B2B », m’explique M. Deveaux. Grâce à l’ACT et le contrôle des pricing experts, il est possible de connaître le meilleur canal d’écoulement pour un VO : à particuliers, en B2B, voire par une nouvelle location longue durée du véhicule d’occasion.

Le financement locatif progresse également dans les réseaux de marques, via les offres LOA et LLD que multiplient les captives des constructeurs. Mais selon une source très bien informée qui requiert l’anonymat, le marketing prend le pas sur la réalité du marché et l’expertise des services VO. « Le service marketing du constructeur fait payer le réseau pour arriver à un loyer attractif pour le client final », me dit ma source. Elle explicite : « Si vous arrivez à un loyer mensuel de 160 euros mais que la publicité annonce 149 euros par mois, le seul levier qui reste au distributeur est d’augmenter la valeur de reprise. » Histoire d’enlever un peu plus de sérénité, certains engagements de reprise seraient « surréalistes », selon la durée du contrat de location…

Une cotation en temps réel grâce au véhicule connecté et à l’analyse des données ?

Pour comprendre cette question, il faut lire ou relire le précédent eMAG d’Autoplay PRO, consacré à la data automobile. Plateforme de normalisation et d’échanges de données, Caruso Dataplace promet des usages multiples des millions d’informations que génèrent les véhicules connectés bardés de capteurs. Question : l’association de ces données avec le Big Data et l’Intelligence Artificielle pourrait-elle donner une cote de tout véhicule roulant, en temps réel ? Cela aurait-il un intérêt ?

« La cote en temps réel est d’une certaine façon déjà notre quotidien à tout moment avec notre plateforme d’enchères B2B », répond dans un premier temps Stan Deveaux. Je relance le Directeur Remarketing de LeasePlan France, dans le contexte décrit plus haut. « A très court terme, Google ou un autre GAFA doivent déjà être dans cette perspective ; en ce qui nous concerne, cela s’inscrit dans notre promesse Any Car, Anytime, Anywhere. Cela pourrait effectivement avoir un sens pour répondre à une demande particulière dans un marché, alors que le véhicule répondant en tout point à cette requête arrive en fin de contrat dans un autre pays, ou n’en est pas trop loin. Dès lors, je pourrais proposer au détenteur de ce véhicule une offre de remplacement intéressante pour lui, tout en m’assurant une belle revente au demandeur initial. Au niveau de Carnext.com et de LeasePlan, c’est dans nos dossiers de recherche et développement. »

La réponse à ma question de Paolo Valenti est du même ordre. « Bien que les données soient déjà disponibles, une cote issue des datas d’un véhicule connecté, dynamique et en temps réel, reste prospective », me dit-il. Le directeur commercial B2B d’autobiz remarque que tous les véhicules connectés ne le sont pas encore aux réseaux de télécommunications, puisque beaucoup ne sont pas forcément équipés de la télématique requise.

Quant à ma source citée précédemment, elle estime que cela aurait un intérêt pour connaître et suivre l’historique d’un véhicule. Mais de son point de vue, la véritable question serait alors l’intégration de cet historique à un système de cotation, et que cet ensemble acquiert la confiance totale des distributeurs.

« Etes-vous satisfait de vos outils de cotation/estimation de reprise VO ? »

  • Oui, nous utilisons Planet VO qui est un logiciel répondant à nos besoins (directeur commercial VN/VO d’une marque premium)
  • Avec de l’expérience, le marché VO se maîtrise assez facilement. Je ne suis pas convaincu que les outils de valorisation soient utiles, la configuration d’une voiture joue beaucoup sur sa valeur en VO et un logiciel aura du mal à la mesurer (conseiller commercial d’un mandataire VO)
  • La “cotation” VO mériterait d’avoir un sens plus précis. Elle sous-entend une interprétation. Nous parlons alors d’un point de vue comptable. Si l’on parle plutôt de “valorisation” VO, dans ce cas-là, il est davantage question de déterminer la bonne valeur. Il s’agit de l’aspect commercial, c’est fondamentalement différent. Dans le premier cas, si l’on sait faire la bonne interprétation, on s’en accommode ; dans le second cas, ma réponse serait plutôt négative (acheteur VO d’un groupe de distribution multimarques)

Voiture électrique d’occasion et doigt mouillé…

Dire que les interrogations sur l’avènement d’un marché pérenne du véhicule électrique (VE) persistent tient de l’euphémisme. La récente sortie du directeur du développement de BMW ou l’appel du président de la PFA pour des mesures fortes de soutien gouvernemental en témoignent. Qu’en est-il alors du VE d’occasion ? Sait-on en 2019 le coter, d’autant que la confusion règne encore sur le financement des packs batterie ?

Paolo Valenti me confirme qu’autobiz travaille activement sur la question et serait en passe de lancer une cotation déterminée selon le nombre de cycles de charge/décharge et du mode de financement du pack batterie. Le premier bénéficiaire de cette solution sera  « un grand spécialiste du secteur du véhicule électrique d’occasion », sans plus de précision.

Pour sa part, Dominique Allain s’interroge sur la concurrence qu’au sein d’une même gamme les évolutions technologiques en termes d’autonomie et d’efficience des batteries génèrent. Sans oublier les promesses de structuration de ce marché sans cesse repoussées et le problème lancinant des infrastructures de recharge pour VE. Un point sur lequel MM. Valenti et Deveaux rejoignent mon interlocuteur de Bee2link.

A quoi sert la cote ?

Il existe un outsider de la cotation VO, cote-auto.com. Son éditeur est la société CarData, dont le directeur du pôle automobile n’est autre que Philippe Laurent, transfuge du groupe Argus et promoteur avec Philippe Delafaite de la solution Ootoo, rachetée il y a trois ans par CarData. Cote-auto.com se distingue des autres systèmes de valorisation VO par un positionnement uniquement basée sur la performance marketing, qui vient de séduire le site Turbo.fr.

Je demande à Philippe Laurent s’il s’agit d’un énième générateur de leads. « C’est un outil supplémentaire de création de leads, confirme-t-il, leads que CarData qualifie et clarifie. » Il ajoute : « Ce qui importe pour nous, c’est de faire se rencontrer acheteurs et vendeurs désireux d’effectuer une transaction juste et éclairée grâce à une information transparente et objective ; pour le professionnel, il n’y a pas de bon ou de mauvais coteur, le sujet est l’accompagnement dans l’interprétation des cotes dont il dispose, pour les communiquer en interne à ses équipes commerciales et à l’externe vers ses prospects. Il faut voir la cote comme un outil essentiel de management et un vecteur de communication de sa politique commerciale. »

Les amateurs de football y verraient une belle analogie avec le tant décrié VAR, l’assistance vidéo à l’arbitrage. Comme pour l’image arrêtée soumise au jugement final de l’arbitre de champ, la cotation d’un VO semble rester l’apanage de l’expertise du seul commercial VO…

Ali Hammami

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